Les premières « grandes » décisions de l'OT 2024
Comme chaque mois de juin, la Cour suprême rend ses "blockbusters"...
Les observateurs et observatrices de la vie judiciaire états-unienne ne le savent que trop bien : le mois de juin marque le coup d’envoi du rush final pour la Cour suprême des États-Unis, qui rend ses décisions les plus attendues avant la pause estivale.
Le début du mois a été à la fois riche mais « digeste » dans la mesure où la Cour a rendu des décisions courtes… Et souvent unanimes !
⚖️ Oklahoma Statewide Charter School Board v. Drummond
L’une des affaires les plus attendues de l’OT 2024 se solde par un split 4-4, affirmant de facto la décision rendue par la Cour suprême d’Oklahoma dans ce différend opposant l’école “virtuelle” catholique St. Isidore et le charter school board au procureur général Gentner Drummond.
L’école privée catholique, qui avait reçu un agrément (et par conséquent, des fonds publics), avait vu cet agrément remis en cause par le nouveau procureur général de l’État. L’agrément, accordé par le charter school board de l’État, est en effet contraire à la loi Charter School Act, qui interdit tout agrément aux écoles confessionnelles… Au détail près que le school board a estimé le texte contraire au Premier amendement. Avec ce split 4-4 (récusation de la juge Barrett), c’est Gentner Drummond qui l’emporte : St. Isidore perd en conséquence son agrément.
⚖️ Ames v. Ohio Department of Youth Services
Travaillant pour le Ohio Department of Youth Services, Marlean Ames s’est vue successivement refuser un poste (au profit d’une femme lesbienne) puis rétrogradée, remplacée à son précédant poste par un homme gay.
Pour Ames, c’est son hétérosexualité qui pose problème. Après un pourvoi devant les tribunaux, Ames perd son procès en première instance, puis en appel. La Cour suprême, dans une décision unanime signée Ketanji Brown Jackson, renvoie l’affaire après avoir invalidé la règle appliquée par le 6e Circuit d’Appel.
Pour la Cour, le “Title VII” du Civil Rights Act ne prévoit aucune exception : en conséquence, le cadre utilisé par le 6e Circuit d’Appel faute par son atextualité. En effet, en subordonnant l’existence d’une discrimination à la démonstration de “background circumstances” lorsque la victime présumée est issue d’un groupe majoritaire (c’est-à-dire blanc, hétérosexuel…), la charge de la preuve s’en retrouve alourdie. Or, les groupes minoritaires, eux, sont soumis au seul cadre dit “McDonnell Douglas” (de l’arrêt du même nom datant de 1973), lequel prévoit qu’en l’absence de preuve directe, le plaignant peut fournir une preuve “prima facie”, permettant de justifier une action en justice.
⚖️ Catholic Charities Bureau, Inc. v. Wisconsin Labor and Industry Review Commission
Au Wisconsin, certaines organisations religieuses sont exemptes de taxes. Pourtant, Catholic Charities Bureau, Inc. s’est vu refuser cette exemption au motif que ses missions de charité sont dépourvues de caractère prosélyte, ne remplissant donc pas la condition fixée par l’article Wis. Stat. §108.02(15)(h)(2).
Ici, toujours à l’unanimité, la Cour, à travers une opinion de Justice Sotomayor, renverse la décision rendue par la Cour suprême du Wisconsin, retenant une violation du Premier amendement. Si cette dernière a reconnu le caractère religieux des œuvres de charité, elle a estimé qu’elles ne s’accompagnaient pas d’actes prosélytes et qu’elles n’étaient pas au seul bénéfices des catholiques. Cependant, le fait que les œuvres de charité ne s’accompagnent pas d’actes de prosélytisme est une obligation religieuse, note Justice Sotomayor. « L'exemption du Wisconsin, telle qu’interprétée par sa Cour suprême, accorde donc une préférence confessionnelle en différenciant explicitement les religions sur la base de leurs pratiques théologiques » conclut-elle ainsi. Une différenciation soumise à un contrôle juridictionnel strict que l’État n’a pas pu justifier.
⚖️ Smith & Wesson Brands, Inc. v. Estados Unidos Mexicanos
À l’origine de cette affaire, une plainte du gouvernement mexicain visant sept fabricants d’armes, alléguant que ces sociétés avaient aidé et encouragé des ventes illégales d'armes à feu au profit des cartels de la drogue.
Justice Kagan, pour une Cour unanime, reverse la décision du 1er Circuit d’Appel. Pour la Cour, le Protection of Lawful Commerce in Arms Act fait obstacle à la plainte du gouvernement mexicain dans la mesure où ce dernier ne peut démontrer que les fabricants ont délibérément pris part à l’acte litigieux en accomplissant un acte positif en vue de la réalisation de l'infraction et avoir l'intention d'en faciliter la commission.
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On se retrouve un peu plus tard pour les derniers “blockbusters” de l’année : Medina v. Planned Parenthood, Mahmoud v. Taylor, Free Speech Coalition v. Paxton, United States v. Skrmetti… Stay tuned!