Vous avez toujours « le droit de garder le silence »
Tout le monde connaît Miranda v. Arizona, arrêt emblématique de 1966. Vous avez tous et toutes entendu des centaines de fois le fameux « vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous… » dans des films et séries US. Cette phrase, le Miranda warning, vient directement de cette décision de justice.
L’arrêt Miranda a pourtant récemment été considéré comme « éviscéré » (Elie Mystal, The Nation), « partiellement renversé » (Adrien Jaulmes, Le Figaro) ou promis à une mort certaine (Mark Joseph Stern, Slate). Il n’en est rien. L’affaire rendue le 23 juin dernier, Vega v. Tekoh, n’a pas touché au principe central de Miranda. Pire, on pourrait dire que cette jurisprudence vient d’être réaffirmée, comme elle l’a été en 2000 dans l’affaire Dickerson.
De quoi s’agit-il ? Terrence Tekoh a porté plainte après qu’un officier de police eut omis de lui lire ses droits, une obligation découlant de l’arrêt Miranda v. Arizona. L’objectif de M. Tekoh était d’obtenir réparation pour ce qui lui a paru être une privation de ses droits : il a donc intenté un procès en vertu de l’article 42 U.S.C. § 1983. Une question s’est posée : la non-lecture des droits Miranda peut-elle constituer un préjudice au regard de § 1983 ? La Cour suprême a répondu « non ».

Au regard de l’arrêt Miranda, les déclarations (on pense notamment aux aveux) qui n’ont pas été précédées de la lecture des droits (« vous avez le droit de garder le silence… ») doivent être exclues du procès.
« La Cour juge en outre que le non-respect des nouvelles procédures entraîne inexorablement l’exclusion de toute déclaration de l’accusé. » — Miranda v. Arizona, 384 US 436 (1966)
La décision Vega v. Tekoh s’en tient strictement à cela. Dans ses propos conclusifs, le juge Samuel Alito (auteur de l’opinion de la majorité) rappelle que l’exclusion des déclarations est une compensation entière et suffisante. Terrence Tekoh ne peut en revanche pas poursuivre la police pour le non-respect de ce droit, les Miranda warnings étant jugés ici comme une « règle prophylactique ». On peut tout à fait le déplorer. Néanmoins l’arrêt Miranda et ses principes sont toujours là et réaffirmés comme je le disais dans mes propos liminaires. Comme le dit si bien Dell Cameron dans Gizmodo : « Non, la Cour suprême ne vient pas d’oblitérer votre droit à garder le silence ».
Pourquoi donc tous ces cris effarouchés ? La réponse est simple : les opinions politiques passent parfois avant le souci de fournir une information fiable. Le besoin de défendre une posture prend le dessus (on soulignera un léger étonnement à voir Le Figaro prétendre que Miranda a été partiellement renversé…). Comme l’ont fait les opinions dissidentes, on peut mettre en avant la violation régulière des Miranda rights et déplorer la décision de la Cour, qui estime que ces violations ne peuvent donner lieu à des poursuites au civil. Il est néanmoins parfaitement faux de dire que l’arrêt Miranda est « éviscéré » ou en danger imminent. Ce n’est absolument pas le cas.