En Dakota du Nord, la victoire des pro-choix pourrait n'être que de courte durée
L'interdiction de l'avortement fera sans doute son grand retour grâce à la Cour suprême locale.

Surprise en Dakota du Nord : le 12 septembre, le juge de la South Central District Court, Bruce Romanick, a conclu à l’inconstitutionnalité de l’interdiction de l’avortement dans cet État du nord des États-Unis. Pour le magistrat, la Constitution de Dakota du Nord — qui date de 1889 — protège la liberté des femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse.
Dans le camp de la défense du droit à l’avortement, c’est l’exultation. Cependant, le Dakota du Nord ne possède plus la moindre clinique réalisant des avortements. La plus proche, la Red River Women’s Clinic, se situe en Minnesota, non loin de la frontière avec le Peace Garden State.
Le jugement rendu par Bruce Romanick n’a pas seulement créé la surprise en réinstaurant une liberté d’avorter : la décision s’illustre par son approche interprétative, résolument “living constitutionalist”. Prisé par des juges tels que William Brennan ou Stephen Breyer, le living constitutionalism postule que la Constitution est un texte vivant, évolutif, qui doit être lu à l’aune de ce que sont ses exégètes : des lecteurs du temps présent. En conséquence, il ne convient pas d’interpréter le texte comme l’aurait fait ceux qui l’ont ratifié. Pour Bruce Romanick, son raisonnement s’appuie sur un arrêt de la Cour suprême de Dakota du Nord rendu en 1934 : State v. Norton.
La victoire saluée par le camp pro-choix pourrait toutefois n’être que de courte durée : l’approche choisie par le juge Romanick est à rebours de celle de la Cour suprême locale, laquelle favorise une approche plutôt “originaliste”, c’est-à-dire interprétant la Constitution selon le sens qu’elle avait au moment de sa ratification (en 1889, en l’occurrence). C’est ce qui ressort d’un article écrit par Jerod E. Tufte, qui siège à la Cour suprême de l’État depuis 2017. Dans ce papier intitulé The North Dakota Constitution: An Original Approach Since 1889, le magistrat affirme que State v. Norton fait figure d’exception dans l’approche interprétative de sa Cour. Selon lui, « la Cour a appliqué des méthodes d'interprétation originaliste depuis 1889 et [elle] peut à juste titre être considérée comme ayant adopté le principe, conforme à l'originalisme, selon lequel “l'objectif primordial est de donner effet à l'intention et au but du peuple qui a adopté la déclaration constitutionnelle” lors de l'interprétation de la Constitution du Dakota du Nord. »
Il apparait, au regard de la jurisprudence de la Cour, que l’interdiction de l’avortement est susceptible d’être réinstaurée : en effet, qu’il s’agisse d’une approche intentionnaliste ou textualiste, il est extrêmement peu probable qu’une lecture originaliste de la Constitution de Dakota du Nord — qui plus est par une Cour qui est, à l’instar de la Cour suprême des États-Unis, majoritairement républicaine — soutienne que le texte confère un droit à l’avortement.